Laïcité en France: entre hypocrisie et islamophobie
Souvent perçue comme un concept novateur et libérateur, la laïcité en France est mal comprise par nos politiques et par ses citoyens. Basée sur des préceptes bien clairs et sans ambiguïtés, elle n’est pourtant pas brandie pour défendre et protéger les droits des citoyens français de confession musulmane, mais plutôt pour les entraver dans leurs pratiques et créer chez eux un sentiment d’exclusion du reste de la population.
De plus en plus de lois sont promulguées sous le couvert de la laïcité en France, mais le sont-elles réellement dans un souci de laïcité ou bien cachent-t-elles une intention toute autre ? Une question qui a le mérite d’être posée et que nous allons essayer de clarifier dans notre analyse.
Mais avant tout il est nécessaire de mieux comprendre ce terme laïcité qui est de nos jours utilisé à tout va, bien souvent dans un contexte inadapté. La laïcité est définie comme suit par le gouvernement Français:
La laïcité garantit la liberté de conscience. De celle-ci découle la liberté de manifester ses croyances ou convictions dans les limites du respect de l’ordre public. La laïcité implique la neutralité de l’Etat et impose l’égalité de tous devant la loi sans distinction de religion ou conviction.
La laïcité garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs croyances ou convictions. Elle assure aussi bien le droit d’avoir ou de ne pas avoir de religion, d’en changer ou de ne plus en avoir. Elle garantit le libre exercice des cultes et la liberté de religion, mais aussi la liberté vis-à-vis de la religion : personne ne peut être contraint au respect de dogmes ou prescriptions religieuses.
La laïcité implique la séparation de l’Etat et des organisations religieuses. L’ordre politique est fondé sur la seule souveraineté du peuple des citoyens, et l’Etat —qui ne reconnaît et ne salarie aucun culte— ne régit pas le fonctionnement interne des organisations religieuses. De cette séparation se déduit la neutralité de l’Etat, des collectivités territoriales et des services publics, non de ses usagers. La République laïque impose ainsi l’égalité des citoyens face à l’administration et au service public, quelles que soient leurs convictions ou croyances.
La laïcité n’est pas une opinion parmi d’autres mais la liberté d’en avoir une. Elle n’est pas une conviction mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect de l’ordre public.
On dénote plusieurs notions importantes:
- la liberté de manifester ses croyances ou convictions dans les limites du respect de l’ordre public;
- la neutralité de l’État;
- la liberté d’expression de leurs croyances ou convictions;
- la séparation de l’État et des organisations religieuses.
En réalité, aucune de ces notions qui font partie des composantes principales du concept de laïcité ne sont respectées aujourd’hui en France.
Sous quel prisme peut-on comprendre l’interdiction du voile ou bien récemment de la abaya dans les écoles, collèges et lycées publics ? Est-ce que ces vêtements constituent réellement un trouble du respect de l’ordre public ? Dans une époque où la culture tend à ce que tout le monde puisse se vêtir comme il le souhaite, il semble surprenant de contraindre toute une partie de la population à ne pas s’habiller comme elle le souhaite. D’autant plus vu le caractère très pudique des habits qui sont visés par cette loi.
Il est aussi question de neutralité de l’État, comment comprendre alors que 6 des 11 jours fériés observés en France sont liés à la religion chrétienne (ou d’origines païennes) ? Encore plus surprenant, la célébration par le chef de l’État de Hanoukka à l’Élysée. Ou bien récemment, la présence du chef de l’État à la messe de Marseille présidée par le pape François. Il est forcé de constater que cette “neutralité” n’est pas si neutre que cela.
Mais cela ne s’arrête pas là, parmi les notions citées nous retrouvons la liberté d’expression de leurs croyances ou convictions. La liberté d’expression est un sujet qui est au cœur de beaucoup de débats ces temps-ci. Visiblement il est possible de dire ce que l’on souhaite mais pas pour n’importe qui. Pendant que des candidats à la présidentielle présentent des propos ouvertement racistes, plusieurs imams et prédicateurs sont mis en garde vue et/ou expulsés du territoire tels des criminels pour avoir manifesté leur liberté d’expression. Parmi eux on retrouve notamment:
- Hassan Iquioussen;
- Mahjoub Mahjoubi;
- Smaïn Bendjilali;
- Et d’autres encore.
Il est alors clair que l’on ne parle plus de liberté d’expression lorsqu’il est question de dogme. Il y a bel et bien des limites que l’État se permet d’ajuster en fonction de la situation et du message qu’il veut faire passer. On est très loin de cette fameuse neutralité prônée par la laïcité.
Enfin, il est évoqué la séparation de l’État et des organisations religieuses. Pourtant, le 16 février 2023 le chef de l’État se prononce sur sa vision de l’Islam:
Mais traiter les conséquences d’un Islam dévoyé, sans prendre le soin d’assurer à chacun des musulmans l’accès à un Islam en France, à un Islam des Lumières, c’était faire les choses à moitié.
Et sur la façon dont le culte devrait être géré en France. Un chef de l’État visiblement très impliqué dans la gestion des organisations musulmanes en France.
La vérité étant que l’État Français joue un double jeu autour de la laïcité. En brandissant son étendard lorsque l’Islam devient trop voyant et dérange la vision libéraliste qui a émergé ces dernières années. Et en passant cet étendard sous le tapis quand les libertés habituellement sacrées et vénérées que sont la liberté d’expression et d’opinion sont bafouées sans équivoque.
L’État souhaite combattre le séparatisme mais comment doivent se positionner les français musulmans dont les droits sont transgressés ? Ils sont français nés en France quoique puissent en dire certains politiques d’extrême droite. Et pourtant ces mêmes musulmans français se sentent exclus de la société française par ses lois islamophobes. Il suffit de lire l’enquête La France, tu l’aimes mais tu la quittes pour se rendre compte de l’état des musulmans en France.
Avec tous les éléments apportés il doit maintenant être clair que la laïcité telle que promulguée dans la loi constitutionnelle de 1905 ne vise à la persécution d’aucune population en particulier, bien au contraire son but premier est de garantir la liberté de chacun face à l’intolérance des autres. D’où vient alors ce décalage entre l’énoncé de la loi et son application si ce n’est d’une hypocrisie vis-à -vis des musulmans en France ? Lorsque certaines libertés individuelles sont transgressées dans d’autres pays, la France et ses citoyens sont les premiers à pointer du doigt, mais peut-être s’agirait-il de les garantir dans son propre pays ?